Nouvel arrêté sur les mères
Cadre légal de la reproduction canine depuis l’arrêté du 19 juin 2025 : statut de la mère, copropriété, cession et fraude
Depuis le 19 juin 2025, l’ensemble des règles encadrant la reproduction canine en France a été profondément modifié. L’objectif de ce texte est de clarifier les responsabilités, limiter les abus, renforcer le bien-être animal et éviter les pratiques de contournement du droit.
1. Fin des contrats d’élevage et des cessions ponctuelles de chienne reproductrice
L’une des mesures les plus marquantes de cet arrêté est l’interdiction des contrats d’élevage classiques. Jusqu’alors, il était courant qu’un éleveur fasse reproduire une chienne qui ne lui appartenait pas, sur la base d’un accord écrit (ou parfois oral) avec le propriétaire de la chienne.
Ce système permettait notamment de faire porter une chienne appartenant à un particulier dans le cadre d’un affixe professionnel, en s’appuyant sur la déclaration de portée de l’éleveur. Désormais, cette possibilité est expressément supprimée.
La loi interdit toute reproduction d’un animal qui ne fait pas partie du cheptel déclaré de l’éleveur, sauf s’il en est copropriétaire dans les formes prévues ci-après.
2. La copropriété : une structure juridique encadrée
Le seul cadre désormais autorisé permettant à un éleveur de faire reproduire une chienne qui ne lui appartient pas exclusivement est celui de la copropriété réelle.
Pour être valable, cette copropriété doit répondre à plusieurs conditions cumulatives :
a. Enregistrement ICAD
La chienne doit être identifiée au nom des deux copropriétaires, chacun d’entre eux devant figurer sur la fiche ICAD. Une déclaration unilatérale, ou l’omission volontaire d’un des copropriétaires, rend la situation irrégulière.
b. Engagement réel des deux parties
La copropriété implique que les deux personnes assument ensemble la vie quotidienne de la chienne. Cela suppose, notamment :
- un hébergement partagé ou une répartition claire du lieu de vie de l’animal,
- une prise en charge financière commune (alimentation, soins vétérinaires, assurance, reproduction, déplacements, etc.),
- des décisions concertées (choix du mâle, du moment de reproduction, suivi post-partum, etc.),
- et une implication dans l’éducation et le suivi comportemental de l’animal.
En cas de contrôle, les deux parties doivent être en mesure de prouver cette gestion conjointe par des éléments matériels (factures, attestations vétérinaires, preuves de garde alternée, etc.).
c. Durée et finalité
Une copropriété temporaire ou mise en place uniquement dans le but de réaliser une saillie ou une portée ne sera pas reconnue. Elle sera assimilée à une copropriété de convenance, c’est-à-dire une manœuvre pour contourner la réglementation sur les cheptels.
La copropriété doit être envisagée comme une structure durable, s’étalant sur la vie reproductive complète de la chienne, voire au-delà. Toute durée ponctuelle ou clause de “copropriété pour une portée unique” est réputée fictive.
3. Les cas de fraude : cession de façade, transfert temporaire, copropriété simulée
Les pratiques suivantes sont dorénavant considérées comme frauduleuses et exposent leurs auteurs à des sanctions civiles, administratives et, dans certains cas, pénales :
- transfert temporaire de propriété sur l’ICAD uniquement pour couvrir la période de saillie et de mise-bas, sans changement réel de conditions de vie ;
- déclaration de copropriété alors que l’un des copropriétaires n’intervient ni financièrement ni matériellement dans la gestion de la chienne ;
- accord oral ou écrit pour une “abandon de portée” ou reproduction déléguée sans base juridique ;
- usage de l’identité ou de l’affixe d’un tiers pour permettre une reproduction interdite par l’arrêté.
Ces actes peuvent entraîner :
- annulation de la déclaration de portée,
- radiation de l’affixe ou suspension d’activité,
- poursuites administratives (amendes), voire pénales (usage de faux, déclaration mensongère).
4. Risques accrus pour les membres de clubs et instances officielles
Lorsqu’un éleveur en infraction est membre d’un comité de club de race, d’un collège d’experts, d’une commission d’élevage ou d’un jury SCC, la responsabilité est encore plus lourde.
Les clubs peuvent, sur signalement :
- engager une procédure disciplinaire interne,
- radier l’éleveur ou suspendre ses fonctions,
- signaler les faits à la SCC qui peut elle-même :
- invalider la portée,
- retirer l’affixe,
- interdire l’accès aux expositions,
- engager une procédure auprès de la DGAL ou de la DDETSPP.
L’appartenance à une structure officielle n’exonère pas de l’application du droit. Au contraire, elle impose une exemplarité renforcée.
5. Abandon de portée : une pratique désormais illégale
Ce que l’on appelait auparavant “abandon de portée”, c’est-à-dire lorsqu’un propriétaire confiait sa chienne à un éleveur pour qu’il déclare la portée à son nom, est désormais interdit.
Il n’est plus possible de produire une portée sur une chienne extérieure sans être soit :
- son propriétaire légal,
- soit son copropriétaire réel et enregistré.
Toute pratique ancienne de ce type est donc caduque depuis juin 2025.
6. Cession à l’étranger : modalités spécifiques
Le cadre juridique distingue la vente sur le territoire français et la vente à l’étranger :
- La visite de la mère par l’acquéreur n’est pas obligatoire juridiquement pour un acheteur étranger, mais elle est fortement recommandée.
- L’éleveur a l’obligation de fournir tous les éléments permettant à l’acheteur de connaître l’état de santé, le tempérament et l’environnement de la mère reproductrice.
- Cela passe par des vidéos, photos, comptes-rendus vétérinaires et éventuellement une visite virtuelle en direct.
- En l’absence de preuve que l’éleveur a fourni ces informations, une action pour vice du consentement ou dissimulation peut être engagée, même depuis l’étranger, si l’importateur est soumis aux règles européennes de protection des consommateurs.
Conclusion
La loi de juin 2025 marque un tournant. Elle impose la transparence, la traçabilité et la responsabilité dans l’utilisation des reproducteurs. Les pratiques d’optimisation, de substitution ou de contournement ne sont plus tolérées. Une copropriété n’est valable que si elle repose sur une réalité partagée. Toute autre configuration constitue désormais un risque juridique réel.